24 heures dans la peau des sapeurs-pompiers
du Gard
Réalisé par la Direction de la Communication du Ministère de l'Intérieur
Les sapeurs-pompiers du Gard réalisent chaque année plus de 60 000 interventions dans le département, soit une intervention toutes les 8 minutes.
Une activité impressionnante pour ces soldats du feu qui enchaînent garde de jour et garde de nuit.
Plongée de 24 heures dans le quotidien surprenant et éreintant des sapeurs-pompiers de la caserne de Nîmes-Centre – qui réalisent à eux-seuls 14 000 interventions par an -, entre drames et rencontres humaines.
7 heures. « Rassemblement ! » crie un homme dans les haut-parleurs de la caserne de Nîmes-Centre. Ni une, ni deux, les vingt-huit sapeurs-pompiers se regroupent dans la cour. Il n'est que 7 heures du matin, début de la garde de jour, et, déjà, leur énergie est palpable. En cercle, silencieux, sous un soleil tapant, ils sont appelés un par un. Le lieutenant Triaire et le capitaine Billa, responsables de l'équipe, rappellent les gestes barrières et le port du masque à respecter. Quelques minutes de discussions, le temps de prendre connaissance des absents, de faire les transmissions d'informations, et d'attribuer les postes de chacune et chacun. Le rassemblement ne dure jamais longtemps, à la caserne, pour peu que l'un des bips ne se déclenche, signe d'un départ d'intervention. En attendant, le groupe se disperse en direction des véhicules pour effectuer les vérifications quotidiennes : nettoyage, démarrage et rangement des tuyaux qui ont servi à éteindre les feux.
Jérémie Sansano, sourire aux lèvres, est désigné conducteur. Aujourd'hui, si son métier lui semble une évidence, ça n'a pas toujours été le cas. Ce sapeur-pompier professionnel de 39 ans n'y avait même pas songé, à vrai dire ! Peintre dans le bâtiment pendant sept ans, joueur amateur de foot à l'Olympique d'Alès, éducateur sportif, secouriste et sauveteur en mer, c'est l'un de ses collègues en formation de natation qui lui a conseillé d'entrer dans la profession. « Je faisais déjà beaucoup de sport, mais il n'avait pas de pompiers dans ma famille, je n'y avais même pas pensé ! Je ne savais même pas comment entrer dans la profession ! C'est lui qui m'a poussé à tenter ma chance. J'ai découvert ma vocation ! Je suis devenu pompier tardivement à 25 ans, mais je ne regrette pas ! », confie Jérémie, sergent. Sapeur-pompier volontaire à la caserne d'Alès depuis ses débuts, il est ensuite passé par le centre de traitement de l'alerte - centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CTA-CODIS) - pendant deux ans, avant d'intégrer la caserne de Nîmes-Centre en tant que professionnel.
7 heures 45. Après les vérifications d'usage, les sapeurs-pompiers ont l'habitude de se rassembler avant 8 heures au « foyer », leur salle de repos. Canapé, baby-foot, fléchettes, télévision et machine à café y sont disponibles ici ! Les discussions vont bon train. On parle de la nuit mouvementée et du feu d'immeuble qui a causé un « delta », un mort, la nuit dernière. « Tragique et éreintant, on a été au bout », évoque l'un d'eux, en touillant son café.
Les pompiers, c'est la cohésion, l'esprit d'équipe, l'humilité
8 heures 30. Après un deuxième rassemblement à 8 heures, pour un rappel des informations, certains partent en interventions pendant que d'autres s'entraînent lors d'une séance de sport intense, inscrite sur le planning. Jérémie court se changer et enfile son t-shirt de foot, pour deux heures d'entraînement. Il fait déjà 28°, mais rien ne l'arrête. Il s'élance sur le terrain, et enchaîne les passes et les dribles ! Rires, endurance et transpiration sont au programme ! « Ce que j'aime chez les pompiers, c'est le sport, la cohésion, l'esprit d'équipe, l'humilité ! Et en même temps, sur le terrain, en interventions, on redevient sérieux et très concentrés. On a envie d'aider les autres, de rassurer. Le sport aide énormément à souder l'équipe. C'est un moment très important qu'il ne faut pas négliger, car on doit rester en forme. Le métier est physique et on a besoin de ses coéquipiers pour réussir une intervention. Il n'y a pas un pompier meilleur qu'un autre. Demain on peut me sauver, comme je peux sauver mes camarades ! », avoue-t-il, en s'essuyant le visage après cette séance.
À peine terminée, son bip toujours attaché à la ceinture, il regarde l'heure à sa montre. « Je file à la douche, en vitesse, si jamais je sonne ! » Alors, quand on lui demande en combien de temps il doit s'habiller pour « décaler » – partir en intervention – il répond spontanément avec le sourire : « le plus rapidement possible ! ».
C'est ça aussi qui fait la force du sapeur-pompier. On s'adapte sans cesse à la situation!
10 heures 40. Le bip retentit. Jérémie décale. « Arrêt cardiaque » d'une femme de 84 ans. Le deux-tons résonne dans les rues de Nîmes, les couloirs de bus empruntés. Il y a urgence vitale. Jérémie porte la bouteille d'oxygène, et monte quatre à quatre l'escalier, jusqu'au cinquième étage. Le médecin traitant vient de réaliser vingt minutes de massage cardiaque, avant d'appeler le 18. Jérémie et ses collègues réagissent très vite. L'un pousse le lit car la chambre est exigüe. On ouvre les volets, on fait de la place. Les sapeurs-pompiers s'installent, déploient leurs matériels méthodiquement, perfusent, injectent de l'adrénaline pour faire repartir le cœur, tout en interrogeant le médecin sur le traitement en cours. « Diabétique, insuffisance cardiaque », rétorque le médecin, la chemise trempée. Au même moment, un voisin, paniqué, s'introduit dans l'appartement, la main sur le front, le téléphone à la main. Il ne trouve pas le numéro à contacter pour prévenir la famille. Le médecin sort de la chambre, en tentant de rassurer le proche. Secouriste de formation, Jérémie effectue les gestes de premiers secours, et masse énergiquement la patiente. Très concentré, il se relaie avec l'un de ses collègues, toutes les deux minutes, selon le protocole en vigueur. La médecin du SAMU arrive sur place, accompagnée de ses collègues. Elle donne les instructions. La décision d'arrêter ou non les gestes qu'effectuent les sapeurs-pompiers et le SAMU lui appartient. Hélas, 45 minutes plus tard, la patiente décèdera. Jérémie ne laisse pas paraître sa tristesse et sa déception. « On va débriefer, car on peut toujours faire mieux, mais on a effectué notre travail. »
11 heures 50. Jérémie rentre le véhicule au garage et réapprovisionne les produits qui ont été utilisés lors de l'intervention. L'heure pour lui et ses coéquipiers de prendre le temps de déjeuner, avant la prochaine alerte. « À chaque garde, un pompier est chargé de faire les courses et de faire à manger pour toute la caserne ! Certains sont très doués et nous font de bons petits plats ! C'est très convivial ! »
13 heures 15. La dernière bouchée à peine avalée, le bip se déclenche. Jérémie monte dans le véhicule de secours routier (VSR), accompagné de deux autres sapeurs-pompiers. Un véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) issu d'un autre service départemental d'incendie et de secours est déjà sur place, mais ne peut rien faire sans l'aide du véhicule de secours routier qui arrive sur place. Au bout d'un chemin de terre, au beau milieu du chant des cigales, Jeanne, 12 ans, en plein repas familial, s'est coincé le doigt dans sa chaise en fer. « Elle est assez intrépide », confie son papa, inquiet. Le coupe-pédale pour scier la chaise ne suffit pas à libérer la jeune fille. Jérémie sort les grands moyens. Il doit retourner au camion prendre l'électroportatif et le relier à la pince-perroquet, surnommé ainsi pour sa forme en bec d'oiseau.
Après plusieurs minutes d'acharnement, l'équipe parvient à découper une partie de la chaise. « C'est la première fois que tu as une bague autour du doigt Jeanne ! », sort l'un des pompiers, en blaguant. La petite sourit. Elle sera emmenée aux urgences et vue par un médecin. « Habituellement, on utilise ces pinces très lourdes et massives pour découper les carrosseries des voitures lors d'accident. Ici, rien à voir ! On assiste toujours à des interventions improbables, c'est ça aussi qui fait la force du sapeurs-pompiers. On s'adapte sans cesse à la situation ! » explique Jérémie, à l'hôpital.
Le yoga me permet de relativiser et de décompresser !
14 heures 40. Retour à la caserne. Le sergent fait le plein d'essence et prépare le camion pour une prochaine intervention. À terme, il souhaite être formateur caisson. « On met le feu à une pièce et on s'entraîne à maîtriser et à l'éteindre ! » explique-t-il.
L'une de ses collègues, Nelly, sapeur-pompier professionnelle, lui propose de participer à un cours de yoga. Enseignante depuis un an en dehors de la caserne, elle tente d'initier ses collègues à cette pratique peu répandue dans le milieu. Jérémie est un adepte du yoga dynamique ! « Ça me fait un bien fou ! C'est intense ! Il me permet de relativiser et de décompresser. Bien sûr que je me fais chambrer par mes collègues, mais ils n'ont pas compris les bienfaits ! Associer yoga et pompiers, ça choque un peu ! Mais ici, c'est difficile de terminer une séance. On est très souvent appelés pour une intervention ! »
16 heures 30. Après deux fausses alertes lors du cours de yoga, ses chaussures remises puis retirées, Jérémie court rejoindre le VSAV. Le responsable d'équipe – chef d'agrès – et l'équipier le suivent. Direction la banlieue de Nîmes, pour un secours à personne âgée. À leur arrivée, les pompiers rappellent le CTA-CODIS pour obtenir plus d'informations sur l'intervention, et notamment les codes d'entrée de l'immeuble qu'ils n'ont pas encore. L'un des résidents ouvrent le portail, Jérémie s'engouffre dans l'enceinte. Il faut atteindre rapidement le quatrième étage en quelques minutes, et ne jamais prendre l'ascenseur, sous peine de rester bloqués - règle d'or chez les pompiers ! -. Sur le pallier, Jérémie et ses collègues ont beau frapper à toutes les portes, personne ne répond ! Obligé de taper plus fort, de crier « Ici les pompiers ! ». L'un des voisins, torse nu et cheveux en pagaille, à peine éveillé, finit par sortir, et leur indique la bonne porte, qui n'est pas fermée à clé. Au fond de l'appartement, Michelle, 86 ans, gémit. Elle est tombée sur la terrasse. Soudain, le voisin, inquiet, surgit dans l'appartement et se met à hurler sur elle : « Je vous l'avais dit ! Il faut sans cesse vous le répéter ! ». « Sortez monsieur, et laissez-nous faire notre travail », rétorque le chef d'agrès d'un ton ferme. Finalement, plus de peur que de mal : la patiente n'a aucun traumatisme physique. « Vous vivez seule, madame ? », demande Jérémie. « Oui, mon mari est décédé. Il me manque ». L'équipe aide Michelle à se relever, et l'installe sur un fauteuil dans le salon. Les sapeurs-pompiers remplissent leurs bilans, et rentrent à la caserne.
18 heures 20. L'équipe est de nouveau sollicitée. À bord du VSAV, Jérémie, conducteur, demande à Stephan, chef d'agrès, qui prend la garde de nuit, le lieu de la nouvelle intervention.« Nîmes centre-ville », à côté du centre commercial. Les sapeurs-pompiers ont bloqué la rue commerçante, les passants, curieux, s'arrêtent. Geinesse, 15 ans, ne voit plus, n'entend plus, a des vertiges. La jeune fille panique et fond en larmes. Jérémie la rassure, l'écoute. C'est peut-être dû à un dérèglement interne de l'oreille. Les pompiers ne peuvent pas poser de diagnostic. Ils emmèneront la jeune fille à l'hôpital universitaire de Nîmes Carémeau.
19 heures 20. L'heure pour Jérémie de passer le flambeau à ses collègues de garde de nuit. Il s'en va danser le rock ce soir avec des amis.
20 heures 30. Stephan Plane, 51 ans, adjudant-chef, chef d'agrès aujourd'hui, qui a pris sa garde à 18 heures 30, vient de terminer sa séance de sport quotidienne. « Le soir, j'essaie de ne pas me mettre dans le rouge, je m'entraîne pour garder la forme, mais il ne faut pas s'épuiser avant de partir en intervention », confie-t-il. Sapeur-pompier professionnel, six ans passés au bataillon des marins-pompiers de Marseille, il est entré à la caserne de Nîmes-Centre en 2001. En parallèle, il est aussi sapeur-pompier volontaire. Son père était capitaine dans la même caserne. Ce que Stephan aime par-dessus-tout dans son métier : « le sport, le secours à personnes, l'âme de cette caserne, et, surtout, mes collègues ! Si je me lève le matin, c'est aussi pour l'équipe ! C'est ma deuxième famille ! Je suis un peu leur papa à la caserne », s'exclame-t-il. Stephan aime aussi transmettre ses valeurs aux plus jeunes : « Chez les pompiers, il n'y a pas de mauvais éléments. On mélange les vieux et les jeunes, pour que ces derniers progressent », ajoute-t-il.
22 heures 45. Stephan n'a pas le temps de terminer son plateau repas. Il doit déjà repartir en intervention, pour une suspicion de fracture du col du fémur. La patiente, âgée de 91 ans, réside en l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Elle sera emmenée à l'hôpital pour effectuer une batterie d'examens.
00 heure 10. La nuit, Stephan et ses collègues ont l'habitude de se retrouver au foyer, de prendre un café, de parler d'actu, des agressions récentes que leurs collègues ont subies en pleine intervention il y a quelques jours. Ils parlent aussi de leur passe-temps « bricolage ». Ils refont le monde, entre deux interventions.
2 heures 30. Au cœur de la nuit, le sapeur-pompier part se coucher, le bip près de son oreiller. « Dans toute ma carrière, ça m'est arrivé deux fois de louper le bip ! Je pensais que je rêvais, alors que je devais partir ! Mes collègues m'ont téléphoné, et je suis sorti de mon lit ! », confie-t-il, en riant. À sa retraite, dans huit ans, Stephan a prévu de déménager en Nouvelle-Calédonie.
A Aigues-Mortes, comme chaque année, un poste avancé au plus proche des estivants. En période estivale, en raison de l'affluence touristique, le centre de secours du Grau-du-Roi installe un poste avancé à Aigues-Mortes pour intervenir plus rapidement auprès des estivants. 90 % de ses interventions concernent le secours aux personnes (SAP). Déployé chaque été depuis plus de dix ans dans la cité camarguaise, le poste avancé accueille un équipage de trois personnes et un véhicule de secours et d'assistance aux victimes stationné en plein cœur des remparts. « L'objectif, c'était d'avoir une équipe sur place en raison de la forte affluence touristique », explique le lieutenant Vincent Martinez, adjoint au chef du centre de secours Terre de Camargue au Grau-du-Roi. « Habituellement, ce sont 8 000 habitants qui vivent au Grau-du-Roi à l'année. Mais, en période estivale, on passe à 120 000, dont 12 000 vacanciers rien que sur le camping de l'Espiguette ! L'équipage à Aigues-Mortes est présent de 19 heures à minuit ». Gain de temps, réactivité, le poste avancé est utile pour l'ensemble des interventions sur la commune, au bénéfice de tous, touristes et Aigues-Mortais.
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Un reportage réalisé par la Direction de la Communication du Ministère de l'intérieur